Il y a quelques mois, lorsque Carlos Brito, le PDG d’AB Inbev, l’avait évoqué, l’information était à prendre avec des pincettes. En effet, le patron brésilien nous avait habitués à ses déclarations tonitruantes à faire pâlir Michael O’Leary (PDG de Ryanair).
Pourtant, aujourd’hui, le fait est là : AB Inbev, le plus grand groupe brassicole au monde, s’apprête à engloutir SAB Miller, le second. L’opération donnerait naissance à un géant de la bière dont la valeur est estimée à 245 milliards de dollars. Les investisseurs institutionnels sont en pleine agitation et les spéculateurs s’en donnent à cœur joie. Suite à l’annonce des négociations pour la fusion, l’action AB Inbev bondit de 7%.
Pourtant, il est à noter que cet évènement arrive à point nommé. En effet, l’éclatement de la bulle financièrebulle financièreApparition d'un écart soutenu entre valorisation boursière des titres d'une entreprise (ou d'un actif) et leur valeur économique fondamentale, ce qui laisse supposer l'agissement d'une spéculation pour faire monter artificiellement ces cours. De ce fait, la demande de titres est soudainement forte et de manière prolongée, ce qui tire les cours à la hausse, chaque investisseur espérant réaliser une plus-value de l'achat puis de la vente de ces avoirs avant que le marché ne s'effondre. A un moment donné, la bulle se transforme en krach, car les investisseurs se rendent compte que l'écart obtenu est devenu ingérable et qu'il vaut mieux vendre, avant le retournement du marché (ce qui, de fait, précipite sa chute). L'évolution quotidienne des cours prend alors la forme d'une courbe grimpant jusqu'à un pic, puis déclinant rapidement et inexorablement, c'est-à-dire la forme d'une bulle. (En anglais : financial bubble) chinoise fait craindre aux investisseurs privés un maintien du ralentissement économique de l’ensemble des pays « émergents ». Dans ce cadre, l’agence de notation Standard’s & Poors dégradait la note de la dette brésilienne pour lui attribuer le titre de « dette spéculative ». Particulièrement présent sur le marché brésilien, AB Inbev voyait son action chuter de 2,3% à Bruxelles. Voilà donc de quoi rassurer les « marchés ». Ouf ! Sauvés !
Cependant, au-delà de l’euphorie financière que provoque l’annonce de ce mariage, la lune de miel ne s’annonce pas très reluisante pour les travailleurs du groupe. En effet, il y a fort à parier qu’une telle concentration de la production mondiale [1] se solde par la fermeture de plus petits groupes locaux en faveur de grands centres régionaux. La « synergie », comme on dit. En effet, il est difficilement concevable que la fusion des deux plus grands groupes brassicoles au monde ne s’opère sans une purge des « doublons ». Et c’est sans compter les possibles cessions de marques pour répondre aux exigences légales en matière de concurrence [2].
De plus, un autre élément entre en jeu : la fiscalité des dividendesdividendesRevenu de la part de capital appelé action. Il est versé généralement en fonction du bénéfice réalisé par l'entreprise. (en anglais : dividend). Via un accord entre le Royaume-Uni et les États-Unis, les actionnaires du groupe SAB Miller ne paient aucun impôt sur les dividendes qu’ils perçoivent en Angleterre. D’après le quotidien britannique The Telegraph, une délocalisation fiscale à Londres pourrait être une condition sine qua non du mariage si les principaux actionnaires de SAB Miller [3] tapent du poing sur la table. Dans son numéro du 23 septembre 2015, un article du journal l’Echo s’inquiète donc du manque à gagner de l’État belge en termes de recettes fiscales si AB Inbev cède aux demandes des actionnaires de SAB Miller. Enfin si ce n’était que ça, peut-être faudrait-il rappeler qu’AB Inbev profite déjà depuis de nombreuses années du régime des intérêts notionnelsintérêts notionnelsAvantage fiscal propre à la Belgique, consistant à calculer fictivement un intérêt sur les fonds propres d'une firme comme si ces derniers étaient considérés comme du capital emprunté et de déduire le montant obtenu du bénéfice imposable. (en anglais : notional interests) …
Sources : L’Écho du 11/09/2015, Coup de froid sur les actions européennes exposées au Brésil.
L’Écho du 20/09/2015, Budweiser et Stella vont effacer Peroni et Miller.
L’Écho du 23/09/2015, AB Inbev peut-il émigrer à Londres ?
[1] En fusionnant, le groupe détiendrait, à lui seul, 200 marques de bières
[2] Ces deux phénomènes ont déjà été notables dans le cadre de la stratégie expansionniste du groupe. Voir : http://bit.ly/1gOa4bz
[3] Dont la multinationale des cigarettes, Altria, détient 27%.