ExxonMobil, le numéro 1 mondial états-unien du pétrole, contre Dodd-Frank, la législation "transparence" made in USA : le titre n’est pas de nous mais de l’hebdomadaire financier Bloomberg BusinessWeek (14 mai 2012), qui y consacre une double page. La "section 1504" de cette loi fourre-tout prévoit, pour mémoire, que les sociétés pétrolières et minières rendent publics les paiements effectués dans le monde entier à titre d’impôtsimpôtsC'est l'impôt sur le bénéfice des sociétés. Lorsque le chiffre est négatif, cela veut dire que la firme paye des impôts sur ses bénéfices. C'est un chiffre estimé. C'est l'évaluation que la firme fait de ce qu'elle devra payer comme impôt sur les sociétés. Il peut être positif, ce qui signifie que l'administration rembourse la firme. Cela peut être le cas si l'entreprise a trop versé de taxes précédemment ou si elle se trouve en pertes. et de royalties aux gouvernements où elles opèrent. Soutenue par les millionnaires Bill Gates et Georges Soros, de même que, soit dit en passant, par la ministre des Affaires étrangères Hillary Clinton, cette disposition vise pour faire court à combattre la corruption dans les pays du Tiers-monde (dans les économies "avancées", les sociétés transnationales usent de méthodes de persuasion plus subtiles). Sans surprise, le lobby pétrolier et minier, à l’exception notable de Newmont Mining, est contre, ExxonMobil en tête, pour en retarder la mise en œuvre : la préférence, de ce côté, va nettement aux initiatives volontaires telle l’Extractive Industries Transparency Initiative (EITI), au conseil d’administration de laquelle siège nul autre qu’ExxonMobil. Ce qui peut étonner de prime abord, dans le dossier, est la position en pointe qu’adopte l’hebdo financier en faveur de la Dodd-Frank. Bien sûr, la corruption est un vice dont la réprobation morale ne coûte rien et fait sans peine consensus mais, naturellement, il y a plus. L’hebdo insiste en effet sur les bienfaits potentiels de la Dodd-Frank pour la sûreté nationale des États-Unis. Renvoyant aux conclusions du rapport du sénateur Lugar ("Le pétrole et le paradoxe de la pauvreté", 2008) qui identifient les États corrompus (du Sud) comme des "terreaux du terrorisme", il s’ensuit que la lutte contre la corruption servira les intérêts de la politique étrangère des États-Unis. C’est une dimension qui mérite d’être gardée en mémoire. Ajoutons pour la petite histoire que l’hebdo réfute la thèse du lobby pétrolier selon laquelle la Dodd-Frank nuirait aux entreprises états-uniennes qui auraient à subir, ouvrez les guillemets, la concurrence "sans scrupule d’entreprises chinoises, russes et françaises". À Paris, se retrouver en pareille compagnie doit un peu faire sursauter.

Rapport Lugar : http://www.gpo.gov/fdsys/pkg/CPRT-110SPRT44727/html/CPRT-110SPRT44727.htm