Les relations entre les sociétés transnationales et leurs revendeurs ne sont pas des plus paisibles. Celles entre grande distribution, agro-industriels et agriculteurs ont par exemple créé de vives tensions ces derniers mois.

La condamnation de la société belge Umicore (ex-Union Minière) est une nouvelle illustration de la difficulté de ces rapports et de la tentation pour les donneurs d’ordre de profiter, quand il ne s’agit pas d’abuser, de leur position dominante.

Le marché du zinc


Photo : nchenga nchenga, Flickr, CC BY-NC 2.0

La France est le deuxième marché mondial pour le zinc, avec 70.000 tonnes annuellement consommées après l’Allemagne et devant le Benelux. France et Allemagne réunis représentent 65% de la demande mondiale. Plus des deux tiers de cette demande servent pour des produits laminés utilisés dans le secteur du bâtiment (protection contre la corrosion, gouttières, façades, toitures).

Plusieurs acteurs entrent dans la filière zinc : Les lamineurs, les façonniers et les distributeurs. Le laminage consiste en un travail sur le métal pour obtenir des barres, des fils, de la tôle, des tubes, etc. Le façonnage est le travail de découpe et de pliage des matériaux. Les distributeurs revendent les matériaux façonnés (voir schéma ci-dessous) aux couvreurs et utilisateurs finaux.


Figure 1 - Les acteurs de la filière zinc (tirée du rapport de l’Autorité de la concurrence)

Le leader mondial du zinc laminé n’est autre que le groupe belge Umicore. La production de zinc représente quelque 15,3% de son activité totale.

Avec le groupe allemand Rheinzin, ils coiffent près de 70% de la production mondiale. Umicore est le leader sur le marché français avec une part s’élevant à 70%. Umicore et Rheinzinc sont également façonniers sur le marché français. Les distributeurs sont des négociants généralistes ou spécialisés.

Abus de position dominante

Umicore a décidé d’organiser ses ventes via un réseau de distributeurs indépendants, dont Point P-St-Gobain et Larivière sont les principales enseignes. Les membres du réseau étaient tenus de vendre les produits de la filiale d’Umicore, Vieille Montagne (VM Zinc).

Mais cette relation a finalement conduit à la condamnation d’Umicore par l’Autorité de la concurrence française. Une amende de 69,2 millions d’euros a ainsi été prononcée à l’encontre du groupe pour avoir abusé de sa position dominante.

La position dominante s’est caractérisée par deux principaux éléments : (i) l’introduction d’une clause de promotion et (ii) la surveillance des stocks par le fournisseur

(i) L’entreprise belge est accusée d’avoir obligé ses distributeurs, par une clause introduite dans le contrat, à assurer « la promotion des produits et marques d’Umicore à l’exclusion des produits et marques concurrentes ». Cette clause obligeait les revendeurs à prioritairement faire la publicité des produits d’Umicore. L’autorité de la concurrence a perçu cela comme un contrat d’exclusivité déguisé, qui a eu pour but de limiter fortement les approvisionnements en provenance d’autres fournisseurs

(ii) Une seconde clause abusive était intégrée dans les contrats avec les revendeurs. Ceux-ci étaient en effet contraints par une clause de stock. En d’autres termes, les membres du réseau étaient tenus de disposer en permanence dans leur stock de l’ensemble des produits distribués par la filiale de la firme belge. Une clause contraignante, mais qui a été utilisée par Umicore pour d’autres raisons. Des inspecteurs du métallurgiste belge étaient en effet mandatés pour effectuer des contrôles inopinés dans le but de détecter la présence de produits concurrents chez les distributeurs.

Umicore avait également mis en place une autre clause pour surveiller les stocks de ses revendeurs : la clause de prévision unilatérale de tonnage, censée permettre à Umicore d’établir ses propres prévisions de production. Cette disposition obligeait les revendeurs à annoncer les prévisions de vente à leur fournisseur. En réalité, il s’agissait pour Umicore de vérifier que ses produits étaient effectivement vendus en exclusivité. « Les ventes anormalement basses étaient suivies de demandes d’explication auprès des distributeurs concernés en vue de les discipliner », rapporte l’Autorité de la concurrence.

« Discipliner le marché », le credo d’Umicore

Afin de dissuader les revendeurs de s’approvisionner chez des concurrents, l’entreprise a également mis en place un système de menaces et de représailles. Plusieurs distributeurs se sont ainsi vu retirer des remises, ou leur statut de distributeurs VMZinc pour s’être approvisionnés hors de l’entreprise belge.

Pour l’autorité de la concurrence, « ces menaces et représailles, si elles ont concerné un nombre limité de distributeurs dans la mesure où la majorité des centres VMZinc s’est spontanément conformée à l’exigence d’Umicore, ont permis à Umicore, par effet de signal, de discipliner le marché ».

Les pratiques incriminées sont sanctionnées pour la période 1999-2007. Pendant 9 ans, Umicore a donc abusé de sa position dominante sur le marché. Avec 70% de part de marché, VmZinc demeure un acteur incontournable du marché hexagonal du zinc et se voit puni pour son effet néfaste sur le développement des fournisseurs et concurrents. Les prix pratiqués par Umicore étaient de 5 à 15% plus chers que les produits concurrents. Une situation qui a eu des répercussions sur les prix de détail pendant toute la période.

Umicore a indiqué dans un communiqué sa volonté de contester sa sanction.

 


Pour citer cet article :

Romain Gelin, "Umicore : condamnation pour abus de position dominante en France", Mirador, juillet 2016, texte disponible à l’adresse :
[http://www.mirador-multinationales.be/divers/a-la-une/article/umicore-condamnation-pour-abus-de-position-dominante-en-france]


Photo : Umicore, « sustainable », Nchenga CC-BY-NC2.0 via Flickr

Sources : Autorité française de la concurrence et Communiqué de presse d’Umicore.

Voir le texte de la décision de l’Autorité de la concurrence ici : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/16d14.pdf

Voir le communiqué de presse d’Umicore : http://www.umicore.com/en/media/press/20160623bpcompetitionauthorityfr/